samedi 31 mars 2018

La roue tourne [Elle part à quelle heure ?]



Je me demande parfois à quoi sert de continuer de me battre avec 437 euros par mois. Je me suis construit une bonne estime de moi, quasi indestructible. Je n’ai de ce fait, rien à prouver à quiconque. J’existe par moi-même en tant qu’individu autonome et adulte, je me suffis. Devenu orphelin par le passage du temps, je suis devenu l’unique responsable de mon destin.

Il m’apparait parfois comme une certitude que ce destin n’a aucune espèce d’importance. Je ne suis pas mégalomane au point de croire que le monde sans moi serait moins intéressant. Si j’ai conscience de ma propre valeur, elle n’a de sens que et uniquement pour moi-même. Le reste est illusoire.

Je me fais à l’idée que je ne compte pour personne, que ma disparition, si elle avait lieu, perturberait quelques vies, quelques jours, peut-être mais guère plus. Je ne suis indispensable qu’à moi-même et j’ai chaque jour clairement conscience de ma propre incongruité sociale.

Dans cette société que nous avons construite, c’est bien la situation économique qui entraîne tout le reste. Parce que le RSA ne permet tout simplement pas de vivre, il finit par marquer au plus profond de ses récipiendaires, leur propre inutilité en tant que bouches à nourrir.

En n’accordant à chacun des délaissés de l’emploi qu’une somme ridicule, c’est la société toute entière qui leur envoie le message qu’ils sont des passagers surnuméraires, des clandestins voire des parasites. Un excédent de main d’œuvre. Un "trop" dont on ne sait que faire.

Si tu ne produis rien, tu n’es rien.

À la recherche d’un rôle qu’on pourrait t’accorder dans la pièce en train de se jouer, tu deviens comme un intermittent de l’existence. Tu n'es plus invité pour les sorties, on ne compte plus sur toi pour les festivités. Tu descends peu à peu les marches de la condition sociale. Il n’y a pas de tapis rouge, pas de photographes, il n’y a personne pour immortaliser l’instant dans sa durée.

C’est que pour être quelqu’un sur scène, il faut participer au jeu.

Dans cette société que nous avons construite, la position sociale est définie par ce que tu possèdes et ce que tu achètes. Acquérir des objets, effectuer des dépenses, soutenir l’industrie de l’entertainment et de la joie pour tous, aller manger au restaurant, affirmer ta personnalité par l’appropriation des biens de consommation.

Pris au piège au bas d’une l’échelle sociale dont on a graissé les barreaux, c’est épuisant de croire qu’on pourrait remonter. C’est épuisant de croire que je pourrais remonter. Même les plus enthousiastes des rats de laboratoire finissent par ne plus faire tourner la roue dans laquelle on les insère. Ils finissent par se lasser de l’expérience de la roue elle-même…


Nota-benêt : vivre au RSA consiste essentiellement
à constater l'impossibilité de vivre,
même et surtout si l'on aime vivre.

[Source image *]

vendredi 30 mars 2018

Réseau Social [Tu perds ton sang froid…]



Les GAFA n'ont pas créé les réseaux sociaux.

On l'oublie un peu trop ces jours-ci mais au départ, aucun start-uper n'avait pitché ce qui est arrivé. Mark Zuckerberg est un geek étudiant qui voulait cataloguer les filles de sa fac sur le réseau local de son université. Ce n'est que parce que tous les étudiants se sont mis à l'utiliser qu'il a ajouté des fonctions à TheFacebook.

Twitter était un service destiné à s'envoyer des SMS directement par internet afin de s'éviter les frais affreusement élevés imposés par les opérateurs. C'est de là qu'est née la contrainte des 140 caractères qui en a fait son succès. Ce qui était une limitation technique de la téléphonie est devenu un formidable outil au service de la concision.

Pour qui s'en souvient, l’essor de Twitter a tellement pris de court les fondateurs que ce succès s'est accompagné d'énormes cafouillages techniques et de pannes générales avant d'arriver à une plateforme stable. Il n'y a d'ailleurs pas, en grande partie pour cette raison, d'archives des tweets de la période 2006-2009. Ils n'avaient absolument pas conçu d'envahir toute la planète.

Ce sont les utilisateurs, toi, moi et tous ceux qui le veulent, qui ont inventé les réseaux sociaux. Chacune des fonctions qui ont été ajoutées à Facebook ou Twitter sont nées de l'usage, elles ont été conçues pour répondre à une pratique. Il n'était pas possible au début de raccourcir un lien HTML, il n'était pas possible de poster une image et encore moins d’y visionner une vidéo.

La soif de se parler, d'échanger, d'apprendre peut-être, était là avant que les outils n'existent pour l'étancher. Ce désir de communication persiste puisque vous êtes vous-mêmes occupés à lire cet article sur internet. Les réseaux sociaux se sont créés parce que l'envie les avait précédés.

C'est cette faim de l'échange qui existait avant eux et qui existe sans eux dont ils font aujourd'hui fortune. C'est comme s'ils s'enrichissaient de l'exploitation d'un filon enfoui dans les profondeurs de l'humanité elle-même…

[Source de l'image*]

samedi 24 mars 2018

à la caisse !




Si j'affirme que nous sommes dans une société gouvernée par l'économie, il ne devrait pas y avoir beaucoup de trolls pour me contredire. Du coup, je vais te parler d'une anomalie dans notre système : le drive.

Pendant que toi, tu sors de chez toi, tu te rends au supermarché, tu parcours toi-même autant de rayons qu'il le faudra pour remplir le frigo et les placards, d'autres se contentent de cocher des cases sur internet comptant que quelqu'un leur prépare le tout.

Que ces gens n'aiment pas sortir de chez eux ne me regarde pas, qu'ils aient une haine farouche du contact humain, je peux l'entendre. Je ne suis pas là pour le juger, chacun fait bien comme il veut avec sa vie, mais pourquoi est-ce un service gratuit ?

Pourquoi, quelqu'un qui utilise un service supplémentaire, c'est à dire confier à une autre personne, la tâche des emplettes, ne retrouve-t-il pas en face la facture correspondante ? Par quelle magie, des clients profiteraient-ils de ce qui constitue un avantage sans qu'on leur demande d'en payer le prix ?
 

PS : toi, quand tu passes à la caisse, on te fait payer le sachet
alors qu'au drive, les sacs sont offerts !


[Source image *]